Mort pour rien ?

  A chaque mort sur une terre lointaine, cette remarque: encore un soldat mort pour rien ! Si cette affirmation ne s'adresse pas au soldat en personne, elle n'en est pas pas moins le résultat  d'une méprise sur le sens réel de notre engagement ! 

Car le soldat ne meurt pas pour une politique, combien-même la force armée en serait le bras armé. Le croire serait réduire, ou plus exactement lier le sens de son action à la seule réussite durable du seul objectif politique poursuivi, lequel n'est que temporel, sinon temporaire. Mais alors quid des causes perdues parce qu'ingagnables? Morts pour rien, les Sapeurs de la Garde? Morts pour rien ceux qui sautèrent jusqu'à la dernière heure sur Dien-Bien-Phu ? Ceux de Bazeille ? Ceux de Camerone et de Waterloo? Pour rien encore nos morts de Bosnie, du Kosovo, du Liban et du Sahel ? Ils ont perdu ou leur action ne semble pas avoir les effets escomptés et pourtant leur héritage irrigue notre histoire de la plus belle des manière à travers l'exemple qu'ils nous donnent. 

Non, nous ne mourrons jamais pour rien ! Parce que nous mourrons pour nous-mêmes, pour notre idéal  au service de la France, pour la France et l'idée même que nous nous en faisons et cela bien au-delà de la politique et hors du temps, pour nos camarades de combat, nos villages, nos familles et bien d'autres choses encore. Et pour VOUS ! Nous mourrons par amour pour ce petit quelque chose d'immatériel (encore que !), d'irrationnel (encore que !) et de tellement charnel qui fait que la France est la France, incarnée dans sa devise et nos trois couleurs. Incarnée également par ses soldats, marins, aviateurs et terriens, déployés sur notre sol et de par le monde à l'ombre de leurs drapeaux et étendards. 

Nous mourrons non parce que c'est utile, mais parce que c'est nécessaire ! 

Nous mourrons pour la grandeur de la cause défendue, non pour la victoire comme telle ! 

Nous mourrons parce que c'est notre choix de défendre ce qui ne se mesure pas à l'aune du succès ou de l'échec mais de l'attachement et de la fidélité ou encore de l'honneur ! 

Nous mourrons à notre tour, tout pétris de leur exemple, pour un héritage sans doute imparfait, bâti au travers des siècles grâce à tant et tant de morts prétendument inutiles ! 

Ces morts inutiles, couchés dessus les sols du monde au gré des batailles de notre histoire, ces morts-là réclament qu'on ne disent jamais d'eux qu'ils sont morts pour rien!

 Il ne nous appartient pas en effet de décider pour eux du sens de leur sacrifice dont ils sont seuls juges ! Le seul fait qu'ils soient allé jusqu'au sacrifice ultime donne à lui seul un sens à leur mort ! Et leur mort donne un sens à leur vie. Celui de l'honneur, de la fidélité et de tant de vertus, grandes ou petites, cousues au cœur du soldat, celui de tant de sacrifices qui nous permettent aujourd'hui de "vivre en homme libre". 

Inutiles, dites-vous ? En la matière, inutile comme impossible, n'est pas français, je le crains ! Vous ne  comprenez pas ? Soit, mais cela ne fait pas l'inutilité de leur sacrifice!

Et s'il en était autrement, nous choisirions alors nos missions, mais que serait alors le sens de notre engagement à servir ?

Hambourg, le 30 janvier 2022.

Avec une pensée particulière pour l'adjudant Laurent Mosic, tué au combat le 6 juillet 2010 en Afghanistan en mission d'ouverture d'itinéraire miné. Il fut des tous premiers sous-officiers de la 6ème Compagnie de Contre-minage, sous mes ordres. 


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

A tous ces petits....

Plaidoyer d'un expatrié pour la langue française...