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Affichage des articles du avril, 2020
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Rencontre   Elle se tenait droite, les mains posées sagement sur ses genoux, immobile et silencieuse. Sa longue chevelure bouclée ondulait librement et tombait en fines mèches légères, enveloppant son corps gracile d’un halo de blondeur au-dessus de sa chemise de nuit de satin noir. Une bretelle avait glissé sur l’épaule, laissant deviner la courbe d’un sein sous une peau mate, à peine caché derrière la courbe d’un bras serré contre elle. Rien ne permettait de deviner son âge. Son visage ovale et lisse semblait tendu, légèrement blême à cause de l’immobilité sans doute. Percé de deux yeux en amande sous un front haut, joliment soulignés par des sourcils bien dessinés et de longs cils soyeux, il ne laissait rien paraître. Son regard sans éclat, comme endormi ou absent, s’effaçait de part et d’autre d’un nez droit et fin derrière des paupières lourdes, comme incapables de cligner. Seules ses joues, légèrement creusées, portaient encore quelques couleurs, tandis qu’un sourir
Le pangolin Le pangolin, cet animal   bien risible Arborant un   faux air d’artichaut à l’envers A désormais tout de l’animal nuisible Et le monde entier le regarde de travers.   Pholidote à écailles de son nom savant, Mangeur de termites et de fourmis pernicieuses, L’avez-vous donc vue, la bestiole s’activant A anéantir ces bêtes délicieuses ?   Elle n’est ni vive ni agile, la pauvresse, Et son armure étrange est de pacotille ! Quand le braconnier l’inscrit à son palmarès En rond, la pauvre en vain se recroqueville !   Pauvre bête dont la chair aussi exquise Est désormais affublée de tous les maux ; Elle qui fut l’objet de tant de convoitises La voici trainée devant tous les tribunaux !   Mais est-il interdit à la bête traquée D’avoir recours à un bien plus petit que soi Pour ne point finir hélas par être croquée ? Comme le lion de la fable, lui, eut le rat ?
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A  nos âmes hyperconnectées   A nos âmes, sur Facebook hyperconnectées, Collées    sur la toile, sans pudeur partagées, En mode public d’un fil d’actualités…   A nos âmes, glissées-déposées sur un mur, D’un seul clic de souris assuré, sans mesure, Sacrifiées à des internautes pas très sûrs …   A nos âmes livrées sans pare-feu sur un blog, Qui chattent avec passion avec leurs homologues  Amis imaginaires, sans épilogue… A nos âmes, pistées par d’affreux cookies, Par des tonnes de likes à jamais conquises, D’un cheval de Troies, innocentes convoitises !   Que le Grand Webmaster, notre bon fournisseur, Les protège sans cesse des terribles hackers  Des virus assassins, qu’il soit le grand vainqueur!
Le gardien et la raison   Depuis combien d’année déjà occupait-il cette petite loge qu’il affectionnait tant ? Luis n’en savait rien, mais chaque soir, après sa dernière ronde, il rendait grâce à Dieu. Car, malgré ses origines modestes, il se rendait bien compte de la chance qui était la sienne de vivre dans l’un des plus beaux immeubles du quartier Notre-Dame. Il ne se lassait pas d’admirer la vieille façade patinée par le temps et ses balcons de fer forgé aux formes aériennes, suspendues au-dessus de la rue piétonne, comme ces oiseaux de mer qu’il avait vu autrefois au-dessus des falaises du Cotentin. Tout dans cette vieille bâtisse de pierres jaunies respirait l’éternité : la porte de bois clouté, parée de cuivre, épaisse comme un livre d’histoire, ses vitraux aux couleurs pastel, le grand hall aux murs de patine ocre et son carrelage blanc et noir, irrégulier, comme usé par les va-et-vient incessants des habitants, … tout vraiment semblait surgir des temps anciens où le
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Déconfinement Il y a des mots creux qui résonnent soudain,   Tirés des dictionnaires, somme toute anodins, Assez laids au fond pour y avoir été cachés, Et bien désormais sur nos lèvres   apprivoisés.     Dites-le moi! Quand l’avez-vous utilisé ? Hier encore vous l’auriez ridiculisé Le malheureux qui en aurait fait l’usage, L’accusant d’un bien horrible cafouillage !   Dé-con-fin-ne-ment ! Mais quelle horreur abjecte Que ces syllabes dont les lèvres s’humectent Avec les délices de la gourmandise, Très finement détachées, quoi qu’on en dise !   N’ont-elles pas l’allure fière des mots idylliques ? La première surtout semble   évangélique, Qui nous ouvre les portes du confinement Et nous jette enfin tous dehors divinement !   Ah, comme vous semblez l’aimer bien tout à coup Ce mot sorti des bois comme sortent les loups, A pas comptés, yeux rougis et langue pendue Ainsi que nous, au confinement suspendus !
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La Foi catho-d-ique Drôle de chose quand même que nous croyants Assemblés dans nos chapelles imaginaires, Contemplant ainsi nos bons abbés prévoyants Offrant pour nous le Sacrifice millénaire !   Jamais n’avait tant résonné entre nos murs Tant de prières sur nos lèvres si pieuses, Tant de pardons réclamés pour soin des blessures, Tant de chants entonnés par nos âmes pouilleuses.  A genoux, les mains jointes, paupières closes, Nous écoutons pieusement les mots salvateurs D’une louange qu’un abbé   virtuose Offre en nos noms au Bon Dieu émancipateur.   De Jésus qui s’offre désormais sur les ondes, D’un doux cœur qui ne fut jamais aussi contrit Nous implorons doucement les   grâces fécondes Pour tous nos frères que la souffrance meurtrit.   Le Foi qui nous nourrit d’une tendre Espérance, Importée en nos cœurs d’une voix métallique, Par d’obscurs chemins bourrés d’interférences, Parée d’un « d » ,est désormais catho-d-ique !
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Le Pic Que ne le souhaitez-vous pas, cet instant magique Où tout bascule quand on a atteint le pic Après l’effort affreux des longues randonnées?   De la plaine, on l’aperçoit qui se détache Sentinelle   au loin, sous un ciel qui s’attache Au sommet, de nuages tout badigeonné.   Comme il semble loin, ce grand pic tant fantasmé Annoncé pour hier par des devins désarmés. Pauvres Pythie sans Foi qui espèrent en vain !   Pour l’atteindre, il nous faut redoubler d’efforts, Ne pas vouloir d’un faux voyant le réconfort Et mettre dans nos sacs un peu plus que du pain !   Les sommets lointains ne s’atteignent pas sans peine, Le montagnard le sait, lui qui franchit la plaine, Ployant sous le rude fardeau d’un sac bien lourd !   Que nous dit-il, ce bougre au visage tanné ? Que le sommet au randonneur tant acharné Ne s’offre sans douleurs, ni larmes, ni bravoure !   Plus que du pain, il nous faut dans nos besaces, Justice,   prudence et for
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La liberté perdue est un don La liberté perdue est bien plus qu’un souvenir Qui s’étiole doucement de jour en jour, sans avenir, Comme s’étiolent les rêves au petit matin dissolus, Sans que l’on sache vraiment s’ils ont été et ne sont plus. Elle se donne en silence, sans un mot, sans remous, Pour que puissent vivre les plus fragiles d’entre nous, Et que la vie reprenne sa marche auprès de nous.   Pour tous nos compagnons de route, elle a frémi Comme frémissent les mères pour l’enfant endormi Tendrement serré entre leurs bras protecteurs Quand le danger menace l’enfant si cher à leur cœur. Elle se dresse soudain et se fait le rempart solide Qui détourne les coups mortels qui tombent, sordides, Et nous frappent sans fin d’avoir été aussi candides.   Oui, ma liberté d’aller où je veux tant me rendre S’est donnée contre cette bête avide de se répandre Et de broyer, transporté par nos corps malades, Nos frères dans nos foyers, nos hôpitaux