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Affichage des articles du 2020
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Noces   De loin déjà on pouvait entendre le grondement des tambours et le souffle sourd des cors de chasse, au-milieu de cris terribles à peine étouffés derrière les lourds murs de pierre. Le tohubohu n’invitait pas à s’approcher davantage, mais elle ne pouvait plus reculer… Timidement, elle frappa à la porte, une énorme porte de bois et de fer mêlés, d’un poids que le regard lui-même ne pouvait supporter. Elle y attendit un moment ; une cloche fêlée sonnait à tue-tête … Une hyène toute de noir vêtue, un chapeau sur la tête, lui ouvrit, l’air hagard mais pas surpris. Six petits griffons à pattes crochues, en robe rouge et de dentelle blanche, se jetèrent sur elle en hurlant et l’attirèrent au-dedans. Leurs ongles pointus lui faisaient mal. La porte se referma en rigolant. Elle fut plongée d’un coup dans l’obscurité, dans une sorte de grand vestibule où luisaient maigrement quelques candélabres poussiéreux. Sous ses yeux, une myriade de lucioles agitait entre leurs ailes un
La lettre du pendu   Il avait tout préparé minutieusement et il ne lui restait plus qu’à mettre en œuvre le plan imaginé. Il avait mainte fois repoussé cette idée, mais elle avait peu à peu fait son chemin en lui et s’était imposée. Que pouvait-il faire d’autre au juste ? Depuis qu’elle était partie, il ne vivait plus vraiment. Il n’avait rien vu venir et son cœur s’était brisé, sans un cri, sans un spasme ou la moindre douleur, d’un coup comme ça, sans prévenir. Il n’avait vécu que pour elle, que par elle du premier au dernier jour. Il lui avait tout donné, tout sacrifié ; il n’avait vu que par ses yeux, pensé que par elle et pour elle. Rien d’autre n’avait soutenu ses efforts que le plaisir de lui plaire. Il s’était fondu en elle, entièrement, volontairement, parce qu’il l’aimait et l’amour pour lui n’avait de sens qu’entier, total, absolument et résolument donné. Elle avait tout pris et ne lui avait rien laissé. L’idée avait fait son chemin, et il ne lui restait plus
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Pardonne-moi, mon âme   Ô mon âme, enfermée en moi Comme un oiseau sous la pluie Toute serrée, toute transie, Dans mon pauvre cœur trop étroit ! Pardonne-moi Tes pleurs à fendre l’âme ; Quand tu erres seule en peine, Emmitonnée d’un spleen infâme Sous la vague qui t’emmène.   Ô, ma sœur, ma tendre amie Ô, ma douce, ô ma belle Qui sait le poids de l’infamie Quand mon cœur se rebelle ? Pardonne-moi !   Je t’ai blessée tant de fois Aux épines de mes faiblesses Et voilà encore que tu ploies Par ma faute, ma pauvresse ! Et dire que Satan te veut, Toi qui m’élève chaque jour Au-dessus du désir   outrageux D’une liberté sans atours ! Pardonne-moi !   A tes reflets dans mes yeux, Ma tendre, ma bien-aimée ! A tes éclats de rire joyeux, Ma chère, ma douce sublimée  Quand tu t’élèves au- dessus du sol Parée de mes chants d’allégresse Et qu’au ciel enfin tu t’envoles Tout emprunte de tendre
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Aux amours….   Aux amours éphémères qui se trémoussent au soir tombant, Et s’agitent au milieu des corps corrompus, désarticulés, De vos soupir exhalés, tout englués des sueurs torrides, Nourris de caresses perfides et de baisers langoureux, Aux amours transgressives que rien n’arrête plus…..   A vous, les traîtresses nauséabondes qui foulent au pied Les rêves fous d’éternité des amants passionnés, Egoïstes prêtes à tout pour un frisson dévergondé, Un râle fétide de plaisir exacerbé sous une main câline, Aux amours festives que rien n’arrête plus….   A vous dont la nuit souillée se fait l’immonde complice, A vos cris qui déchirent la décence des amours véritables, Mêlés de faux semblants et de sentiments mensongers, Transparents, infidèles, tout gorgés des âmes trahies Aux amours intempestives que rien de transcende plus….   A vous qui bruissez d’indécence, offertes aux seuls désirs, A vos tristes âmes perdues ! A vos r
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Sans contact !   Je ne suis pas comme une carte bancaire Fièrement parée d’une puce magique Payant sans contact mes achats alimentaires D’un geste hélas devenu mécanique ! Ah, panacée de l’homme moderne pressé Qu’un code à quatre chiffres pourrait retarder ! Ah ! Miracle admirable dont l’homme oppressé S’est encore plus ces derniers jours accommodé ! Ah non hélas ! Je ne suis pas sans contact… Je suis comme la tablette, moi, tactile ! Mais quelle horreur ! Allez-vous crier sans tact Arrêtez-le ! Arrêtez-le ! Cet imbécile …   C’est vous dire comme je souffre en ce moment Victime expiatoire de la distanciation ! Sans contact, je reste fragile absolument Et cela restera hélas ma punition.
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Rencontre   Elle se tenait droite, les mains posées sagement sur ses genoux, immobile et silencieuse. Sa longue chevelure bouclée ondulait librement et tombait en fines mèches légères, enveloppant son corps gracile d’un halo de blondeur au-dessus de sa chemise de nuit de satin noir. Une bretelle avait glissé sur l’épaule, laissant deviner la courbe d’un sein sous une peau mate, à peine caché derrière la courbe d’un bras serré contre elle. Rien ne permettait de deviner son âge. Son visage ovale et lisse semblait tendu, légèrement blême à cause de l’immobilité sans doute. Percé de deux yeux en amande sous un front haut, joliment soulignés par des sourcils bien dessinés et de longs cils soyeux, il ne laissait rien paraître. Son regard sans éclat, comme endormi ou absent, s’effaçait de part et d’autre d’un nez droit et fin derrière des paupières lourdes, comme incapables de cligner. Seules ses joues, légèrement creusées, portaient encore quelques couleurs, tandis qu’un sourir
Le pangolin Le pangolin, cet animal   bien risible Arborant un   faux air d’artichaut à l’envers A désormais tout de l’animal nuisible Et le monde entier le regarde de travers.   Pholidote à écailles de son nom savant, Mangeur de termites et de fourmis pernicieuses, L’avez-vous donc vue, la bestiole s’activant A anéantir ces bêtes délicieuses ?   Elle n’est ni vive ni agile, la pauvresse, Et son armure étrange est de pacotille ! Quand le braconnier l’inscrit à son palmarès En rond, la pauvre en vain se recroqueville !   Pauvre bête dont la chair aussi exquise Est désormais affublée de tous les maux ; Elle qui fut l’objet de tant de convoitises La voici trainée devant tous les tribunaux !   Mais est-il interdit à la bête traquée D’avoir recours à un bien plus petit que soi Pour ne point finir hélas par être croquée ? Comme le lion de la fable, lui, eut le rat ?
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A  nos âmes hyperconnectées   A nos âmes, sur Facebook hyperconnectées, Collées    sur la toile, sans pudeur partagées, En mode public d’un fil d’actualités…   A nos âmes, glissées-déposées sur un mur, D’un seul clic de souris assuré, sans mesure, Sacrifiées à des internautes pas très sûrs …   A nos âmes livrées sans pare-feu sur un blog, Qui chattent avec passion avec leurs homologues  Amis imaginaires, sans épilogue… A nos âmes, pistées par d’affreux cookies, Par des tonnes de likes à jamais conquises, D’un cheval de Troies, innocentes convoitises !   Que le Grand Webmaster, notre bon fournisseur, Les protège sans cesse des terribles hackers  Des virus assassins, qu’il soit le grand vainqueur!
Le gardien et la raison   Depuis combien d’année déjà occupait-il cette petite loge qu’il affectionnait tant ? Luis n’en savait rien, mais chaque soir, après sa dernière ronde, il rendait grâce à Dieu. Car, malgré ses origines modestes, il se rendait bien compte de la chance qui était la sienne de vivre dans l’un des plus beaux immeubles du quartier Notre-Dame. Il ne se lassait pas d’admirer la vieille façade patinée par le temps et ses balcons de fer forgé aux formes aériennes, suspendues au-dessus de la rue piétonne, comme ces oiseaux de mer qu’il avait vu autrefois au-dessus des falaises du Cotentin. Tout dans cette vieille bâtisse de pierres jaunies respirait l’éternité : la porte de bois clouté, parée de cuivre, épaisse comme un livre d’histoire, ses vitraux aux couleurs pastel, le grand hall aux murs de patine ocre et son carrelage blanc et noir, irrégulier, comme usé par les va-et-vient incessants des habitants, … tout vraiment semblait surgir des temps anciens où le