Septième vague

Blankenese, bord de l'Elbe. Les navires marchands défilent aux sons des mouettes en file indienne. Gros, petit. Gros, encore un autre gros et puis un autre...

Je regarde cette noria ininterrompue de cargos qui se pressent aux portes du port d'Hambourg, dans les deux sens, tandis que le monde autour d'eux s'affole, nourri de pénuries et déjà tout transi d'un hiver dont on ne sait comment nous allons le réchauffer. Arrivent-ils chargés de promesses et repartent-ils vides de sens ? A moins que ce ne soit l'inverse ?

En réalité je m'en fous ! 

Mars 2020, sur le bord de la Seille. Pas de cargos, ni de mouettes criardes, déjà des pénuries. Mais surtout une première vague. Je n'ai vu que celle-là, pas les six autres. Parce ce que je n'en suis jamais vraiment sorti, sans doute. Mais le monde a compté pour moi: une, deux, trois... C'est tellement beau un monde qui compte à l'unisson, il ne faut pas oublier ça... 

Pourtant je pensais que ma vague avait fini par me  rejeter, désespérée de ne m'avoir pas emporté au fond, de ne m'avoir pas digéré dans l'essoreuse géante de la maladie. Un peu secoué, certes, sur les bords de l'Elbe six vagues plus loin... Mais tellement mieux qu'au début de cette apnée sans fin que je commençais à espérer avoir tourné la page.

Septième vague ? J'y suis. J'en suis ! C'est reparti comme en 14, disaient nos anciens... Je comprends aujourd'hui le vrai sens de cette expression. La différence, la seule, c'est qu'ayant été de la première vague, je sais maintenant ce qui peut se passer lorsque s'ouvre la porte du chaland... 

Un peu désemparé, je l'avoue, j'attends qu'elle s'ouvre, cette p... de porte ! J'ai la nausée.  J'ai remis mon casque lourd. Je respire un grand coup. Il va me falloir de l'air si la vague m'emporte. La berge peut être loin, je sais... 

En attendant de savoir ce qui se cache vraiment cette fois-ci derrière la porte, je me dis qu'il me faudrait surtout remettre mon cartable sur le dos dès qu'elle s'ouvrira. Je crains d'avoir à retourner à l'école de l'humilité.  On n'a jamais fini d'apprendre, n'est-ce pas ? 

Post scriptum: Seille ou Elbe, je me dis qu'il y a toujours un fleuve ou une rivière à mes vagues. Il faut que je le retienne pour l'avenir... Mais ce qui m'inquiète, c'est de savoir si le monde qui compte aura assez de doigts... Sept, huit, neuf, dix et après ? C'est quand que je ressors?

Hambourg, le 28 juin 2022, en attendant sans illusions, le corps plein de symptômes, les résultats PCR confirmant un autotest positif. 


28


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

A tous ces petits....

Plaidoyer d'un expatrié pour la langue française...

Mort pour rien ?