Le petit prince

 Allongé sur le sable, il ne bouge plus. Son visage paraît bien pâle sous le soleil qui frappe durement. A ses côtés, debouts, de longues silhouettes blanches jettent une ombre timide sur le corps étendu. Les meilleurs médecins du royaume sont réunis auprès de lui. Qui les a appelés, nul ne sait ! Mais ils sont là qui se pressent auprès du petit Prince, couché dessus le sol. 

Inquiets, ils cherchent comment rendre un semblant de vie à ce petit être perdu qui ne sait plus très bien ce qu'il fait là, la face contre terre, à bout de souffle. Chacun tourne en silence les lourdes pages de son bréviaire, en vain. Pas une ombre d'explication sous ce soleil de plomb ! Mais un petit Prince qui, lui, n'est plus que l'ombre de lui-même alors que sa vie s'écoule grain à grain entre leurs mains. Rien n'y fait, le petit Prince s'étiole en silence sur le sable brûlant. 

Il voudrait pouvoir le leur dire, mais rien ne vient ! Bon sang ! Qu'attendent-ils pour  lui dessiner un renard ? On sait bien pourtant que seul cet animal possède le pouvoir de faire surgir des sables mortels un semblant de vie plein d'espérance: un mouton dont la laine vous réchaufferait, une fleur dont le parfum vous enchanterait.... Autant de promesses qui regonfleraient son cœur que la solitude étouffe!

À l'ombre de ceux qui se pressent autour de lui et qui  craignent pour sa vie, le petit Prince sait, lui, que ce qui lui permettra de voler à nouveau haut dans le ciel, ce n'est pas la science balbutiant à ses pieds son  incompétence qu'ils espèrent passagère mais l'espérance qui se cache dans ces tout petits riens qu'un ami de passage, venu de nulle part, ou d'ailleurs, vous offre en partage alors que tout semble perdu. 

Alors soudain au milieu des blouses blanches qui l'observent d'un air circonspect, le petit Prince se lève et s'en va sur le sable, dos au soleil. Les enfants perdus sur les plages vont toujours ainsi, paraît-il ! Son ombre avance avec lui, d'un même pas, tantôt derrière, tantôt devant, tantôt plus grande et parfois si petite qu'on pourrait maintenant croire qu'elle lui est étrangère. Bientôt, alors que l'astre se couche et que la nuit recouvre sa route peu à peu, les blouses blanches toute émues croient distinguer,  à travers leurs larmes, la silhouette d'un mouton qui gigote sur ses épaules et, dans ses mains, un bouquet de roses à offrir. Le petit Prince sourit. 

Ainsi s'en va le petit Prince, tout paré de ce qu'il ne voyait plus, son corps sans souffle tout regaillardi, son  âme toute apaisée. Peu importe la panne qui l'a jeté au désert d'une vie tant qu'il peut rêver un renard auprès de lui. 




Gare Montparnasse, 21 mai 2021 

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